L’Afrique, continent aux multiples facettes et contrastes, connaît depuis quelques années une croissance forte et régulière qui offre de nouvelles opportunités et attire de plus en plus les investisseurs étrangers.
Le continent a ainsi vu son économie croître de 5% en moyenne au cours des 10 dernières années, performance supérieure à celle de l’économie mondiale et cette croissance est appelée à se poursuivre selon les estimations des économistes. Le rapport « Perspectives économiques de l’Afrique 2014 », rédigé conjointement par la Banque africaine de développement (BAfD), le Centre de développement de l’OCDE et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) expliquait notamment que l’Afrique a su résister face à la crise économique mondiale. Cette croissance apparaît plus diversifiée, tirée par la demande intérieure, un développement des infrastructures et des échanges de produits manufacturés de plus en plus soutenus à travers le continent.
Ce continent qui compte près d’un milliard d’habitants représente un marché gigantesque. Une nouvelle classe moyenne émerge et a les moyens de consommer plus et mieux. La pauvreté a reculé et des progrès ont été faits dans le domaine de la santé et de l’éducation. Mais beaucoup reste à faire sur ce continent encore fragilisé par les conflits, la corruption, les inégalités… Les initiatives se multiplient malgré tout pour répondre aux nouvelles attentes et aux besoins de la population, soutenues par un environnement de plus en plus favorable à l’entrepreneuriat. Plusieurs pays ont, en effet, entrepris de profondes réformes pour faciliter la vie des entreprises. Selon la Banque mondiale, le Burundi, la Côte d’Ivoire et le Rwanda font parties des dix pays ayant le plus amélioré la réglementation des affaires au cours de cette dernière année.
Nous proposons dans cet article un tour d’horizon d’initiatives lancées dans différents pays de l’Afrique subsaharienne.
De nombreux projets dans le secteur des télécoms et d’internet…
Selon une récente étude de MacKinsey, Internet pourrait contribuer au PIB annuel du continent africain à hauteur de 300 milliards de dollars d’ici 2025. Ce chiffre correspond à des estimations hautes fondées sur la jeunesse de la population et le gigantesque potentiel du mobile en Afrique, où 67 millions de smartphones sont déjà en circulation (près de 360 millions le seront en 2025). Tous les secteurs pourraient être touchés d’ici une dizaine d’années (services financiers, santé, agriculture…)
L’arrivée sur les côtes africaines de nouveaux câbles marins à fibre optique, ainsi qu’une augmentation de la couverture 3G vont diminuer les coûts et accélérer le débit internet et permettre ainsi à un plus grand nombre de se connecter et de consommer des services en ligne.
Parmi les entrepreneurs ayant choisi de se positionner sur ce créneau, citons :
– Jason Njoku, jeune Nigérian qui a fondé Iroko, une entreprise de distribution de films sur Internet, surnommé le « Netflix africain ». Il est considéré par le magazine américain Forbes comme un des dix jeunes millionnaires les plus prometteurs du continent africain.
– Régis Bamaba a fondé en Côte d’Ivoire, Intelgeo, une startup spécialisée dans le Cloud et la création de solutions et fonctions mobiles. Il a également créé Taxi Tacker, une application mobile dont l’objectif est de lutter contre l’insécurité dans les transports en commun à Abidjan.
– Au Cameroun, Dominique Buende, entrepreneur franco-camerounais a créé QuickDo en 2011, une startup proposant aux lecteurs africains un accès aux livres (en format numérique et à prix limité) grâce à un réseau de bornes interconnectées couplées à des liseuses.
– Au Kenya, l’opérateur teléphonique Safaricom a commercialisé l’application de paiement mobile M-Pesa. Elle permet aux usagers de faire des achats et de transférer des fonds à l’aide de leur portable. Elle a aujourd’hui essaimé sur tout le continent et même au-delà.
– Au Sénégal, Babacar Birane a créé Baobab Entrepreneurship, une startup ayant pour but de contribuer au développement de l’entrepreneuriat à travers l’usage des technologies de l’information et de la communication. L’entreprise gère « Concree », une plateforme de mise en relation et d’accompagnement virtuel.
L’ouverture des données publiques devrait également offrir de belles opportunités. Le Burkina Faso est le premier pays d’Afrique de l’ouest à se lancer dans ce domaine.
Tout comme dans le domaine des énergies nouvelles
Sur ce continent où le soleil est omniprésent mais où l’électricité fait souvent défaut, les initiatives se multiplient pour répondre à ces besoins.
La Banque mondiale et IFC ont lancé le programme « Lighting Africa » afin de favoriser le développement de l’éclairage hors réseau électrique moderne et accessible pour les communautés qui n’ont pas accès à l’électricité. Des initiatives individuelles sont également intéressantes à signaler :
– Alexandre Castel a ainsi installé au Sénégal la première « Energy Station ». Cette station loue des batteries pré-chargées à l’aide de panneaux photovoltaïques, qui permettent d’alimenter des lampes LED pour s’éclairer, faire fonctionner un réchaud pour cuisiner …
– Douglas Dullo a lancé la startup « Degree Solar » qui bouleverse la vie des zones rurales kenyanes en vendant des batteries solaires pour les téléphones portables qui offrent 6 à 8 heures d’autonomie !
Dans ce domaine les entrepreneurs doivent continuer à innover pour proposer des systèmes plus puissants permettant de faire fonctionner des appareils en continu.
Des initiatives de plus en plus soutenues
Pour favoriser le développement de ces projets, des initiatives sont lancées au niveau national et local. Ainsi des fablabs, des incubateurs et des espaces de coworking se créent dans différents pays pour accompagner les porteurs de projet. La première imprimante 3D africaine a, par exemple, été conçue dans un Fablab togolais. Ce projet W-Afate a d’ailleurs remporté un prix de la NASA en 2013 !
Une Silicon valley est également en train de voir le jour au Kenya. Konza City aussi appelée « Silicon Savannah », située à 60 km de la capitale Nairobi est en cours d’aménagement pour accueillir startups, investisseurs, chercheurs… L’objectif du gouvernement kenyan est de créer près de 20 000 emplois d’ici 2017.
L’association panafricaine AfriLabs, regroupe les pôles technologiques les plus actifs du continent africain.
Les « startup weekend » se multiplient également. Ces manifestations permettent aux participants ayant des profils différents de se rencontrer, former des équipes, travailler sur des projets de création d’entreprises qui seront ensuite présentés devant un jury de professionnels.
Le startup Bus, nouvelle initiative venue des Etats-Unis a également été lancée sur le continent. Au cours d’un voyage en bus des porteurs de projets appelés « buspreneurs » conçoivent, modélisent et lancent leur startup. Le premier « Startup Bus Africa » s’est déroulé en novembre 2013 et a été soutenu notamment par l’homme d’affaires Richard Branson. 30 « buspreneurs » dont 15 africains ont effectué un voyage en bus pendant 4 jours, d’Harare au Zimbabwe vers le Cap en Afrique du Sud. Durant ce voyage, ils ont développé des applications ou initiatives visant à résoudre les problèmes que rencontrent les populations dans cette partie de l’Afrique. Les projets ont été présentés lors du Global Entrepreneurship Week (Semaine Mondiale de l’Entrepreneuriat).
La jeunesse, enjeu d’avenir
En effet, la moitié de la population africaine a moins de 25 ans et cette population est fortement touchée par le chômage. 60 % des chômeurs du continent sont des jeunes de 15-24 ans. La création d’entreprise apparaît donc comme une solution au chômage.
La fondation New York Forum Institute a récemment mené une étude pan africaine auprès de 5 000 jeunes. Elle révèle notamment que les jeunes Africains attendent de leur gouvernement plus d’implication et d’efficacité pour faciliter leur parcours d’études et leur accès à l’emploi. Ils ont envie d’entreprendre mais ceux qui ont franchi le pas témoignent des difficultés rencontrées : 56% de ceux qui ont lancé leur entreprise estiment que cela s’est révélé difficile ou très difficile, 46% d’entre eux estiment que l’Etat n’a rien apporté et 30% évoquent la difficulté d’accès aux financements hors des circuits informels (famille, amis, épargne personnelle) comme étant le premier obstacle.
Des initiatives se multiplient dans les écoles pour sensibiliser les jeunes à la création d’entreprise comme, par exemple, au sein de l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE) située à Ouagadougou au Burkina Faso. Au sein de son Technopole, qui inclut une Business School, un incubateur et une pépinière d’entreprises, 2iE offre un accompagnement personnalisé pour des ingénieurs-entrepreneurs qui veulent innover et créer une entreprise responsable tournée vers la croissance verte. Il a organisé en 2013 la première édition du Green Start Up Challenge, le concours pour l’entrepreneuriat social, l’innovation et la croissance verte en Afrique. Moctar Dembélé et Gérard Niyondiko, deux étudiants de l’école, ont mis au point un savon anti-moustique à partir d’ingrédients naturels locaux (citronnelle, karité, herbes…). Ils ont remporté en mars 2013 le premier prix de la compétition internationale d’entrepreneuriat social GSVC de Berkeley (Californie).
L’initiative « Living the Africain Dream » a pour objectif de promouvoir et diffuser l’entrepreneuriat chez les jeunes en Afrique grâce à la diffusion d’informations, de bonnes pratiques et de réussites entrepreneuriales sur une plateforme internet. Un centre d’entrepreneuriat et d’innovation devrait également ouvrir en septembre 2015 à Bamako au Mali.
Les femmes n’ont pas été oubliées !
La Banque africaine de développement soutient l’autonomisation économique des femmes africaines en facilitant notamment leur accès aux financements comme le microcrédit.
L’Initiative Femmes Africaines Chefs d’Entreprises aide les gouvernements à comprendre les besoins spécifiques des femmes, les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans leur entreprise et à mieux les prendre en compte dans leur économie.
Plusieurs gouvernements ont également lancé des programmes d’action visant à les accompagner dans l’entrepreneuriat.
Au Sénégal, le ministère de la Communication et de l’Economie numérique vient d’annoncer que 300 femmes des régions de Dakar, Thiès et Saint-Louis allaient être prochainement formées en maintenance matérielle et logicielle des ordinateurs et en entrepreneuriat.
Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) souhaite également que les femmes soient mieux formées afin qu’elles participent davantage à l’économie formelle. Il encourage les organisations de la société civile à les former.
Des initiatives de soutien sont également lancées en France
En octobre 2013, le ministère français des Affaires étrangères, aux côtés de l’AFD (Agence française de développement), a lancé un concours en Afrique pour mettre en lumière les réalisations de ceux qui conduisent l’innovation africaine, baptisé « 100 innovations pour un développement durable ». Ce programme a pour but de mettre en valeur les innovations dans le domaine du développement durable (recyclage des matières premières, collecte des déchets, techniques de construction de logements, éducation et santé) conçus par les Africains. Quatre innovateurs ghanéens ont été récompensés en mars 2014.
TECHAfrique est un projet initié et conduit par StartupBRICS (blog dédié à l’actualité des startups des pays émergents) en partenariat avec Simplon.co (la fabrique de codeurs-entrepreneurs solidaires de Montreuil) et le Woelab (FabLab numérique du Togo). L’objectif est de localiser les écosystèmes numériques en Afrique pendant 4 à 6 mois (8 pays en projet), d’identifier et de présenter les différents acteurs à travers un blog, des vidéos et des interviews.
Le 22 mai dernier, était organisé à Paris « Startup Africa Paris – Chop My Money ». Dix créateurs de startups dont les activités sont basées en Afrique et/ou en France ont présenté leur projet devant des fonds d’investissement français renommés et des business angels. L’objectif des organisateurs est « d’aider des entrepreneurs issus de la diaspora africaine en France à réaliser des projets d’avenir dans leurs pays d’origine».
L’African Business Club (ABC), créé en 2003 par des étudiants de l’ESCP Europe, organise depuis 2009, ABC Innovation, un concours visant à mettre en avant les porteurs de projets innovants du continent, qu’ils soient africains ou non.
Orange organise également depuis plusieurs années le prix Orange de l’Entrepreneur Social en Afrique. Il récompense les entrepreneurs proposant des produits ou des services qui s’appuient de façon innovante sur les TIC pour répondre aux besoins des populations du continent africain dans des domaines variés comme la santé, l’agriculture, l’éducation, l’énergie, l’industrie ou encore le commerce.
Enfin, Bpifrance a également lancé un plan Afrique pour aider les entreprises à développer leurs activités en Afrique.
Pour poursuivre son développement économique, l’Afrique aura besoin de toute l’énergie et la motivation d’entrepreneurs soucieux d’apporter des solutions nouvelles à ce continent en pleine mutation.
• Quelques chiffres importants
– 1,1 milliard d’habitants aujourd’hui – 2,4 milliards en 2050 soit ¼ de la population mondiale.
– La moitié de la population a moins de 25 ans.
– 67 millions de smartphones en circulation aujourd’hui – 360 millions en 2025.
– 5% de croissance moyenne du PIB par an.
Etude par l’agence France entrepreneur (afecreation.fr)