Un entretien entre Binta et Dieretou du blog devousamoi.mondoblog.org/
Avoir la vingtaine environ et être à la tête d’une entreprise qui marche comme sur des roulettes semble être un exploit pour vous ? Et même quasiment impossible ? Eh bien détrompez-vous puisque la jeune Binta en est un exemple vivant… Posez là vos idées pré-conçues ainsi que vos préjugés et suivez-moi à la rencontre de Mlle Diallo, la seconde entrepreneuse dans l’industrie du vêtement que j’ai eu à interviewer à l’occasion de la sortie de sa dernière collection : The Little Girl Dream. Histoire qu’elle nous donne sa recette à elle d’un entrepreneuriat gagnant.
Lorsque Binta arrive aux Etats-Unis il y a un rêve qui l’habite depuis longtemps, celui de devenir une modeuse incontournable des tendances du moment. Contrairement à Mohamed dont j’ai dressé le portrait il y a peu, Binta est une passionnée des tissus et des vêtements depuis toute petite. Déjà à son jeune âge, elle tente de se créer un style particulier et bien à elle en customisant tous ses habits et accessoires. C’est ainsi que lorsqu’elle débarque à Chicago, Binta se demande pourquoi pas après tout ? Car de ses dires pour réaliser son rêve, elle était à l’endroit parfait. Binta Sagale Incorporation venait de voir le jour ! Cette entreprise, c’est un peu comme son rêve américain devenu réalité.
2005 est l’année fatidique pour la jeune fille, puisque c’est courant cette année qu’elle crée sa première robe à l’occasion de la kermesse de son école, aînée d’une suite de plusieurs autres modèles. Cette création est tout de suite bien accueillie, l’adolescente commence à attirer l’attention et son talent ne se démentira plus. Chaque année scolaire, elle fournit donc une création qui sera portée lors des défilés de kermesse. Ce fut son premier contrat. Du Binta Sagalé, on en veut encore et encore!
Lorsque je demande à notre styliste de décrire son caractère pour les lecteurs, elle et moi partons en fous rires parce que pour le peu de temps que je la côtoie, je crois distinguer en elle un tempérament de feu. Ce qu’elle me confirmera sans équivoque. En effet, Binta est une jeune fille entêtée et ambitieuse qui n’hésite pas à secouer tout le monde et tout ce qui l’entoure pour parvenir à ses fins. Très enjouée, elle ne manque pas de tonus, c’est d’ailleurs ce qui l’aide à booster l’équipe qu’elle gère. C’est le genre de personne qui prend chaque chose avec humour mais n’hésite pas à sortir les griffes lorsque tout ne va pas dans le sens attendu! (une livraison qui retarde, des clients peu sérieux, etc.) Si vous vous rendez sur sa page Twitter, vous aurez l’occasion de voir de quoi je parle ! Concernant son comportement, elle se dit forte et motivée avec un brin de folie qui emporte tout sur son passage (ce ne seront pas ses amis qui diront le contraire).
Du courage et de la force de caractère, elle a dû en faire preuve pour la création de BSI. Elle a commencé en bas de l’échelle sans aucune aide à ses côtés, elle a accompli toutes les démarches juridiques et financières pour l’établissement de la marque dans le paysage industriel de la mode. S’étant inscrite dans une école de Design et de Mode assez coûteuse à son arrivée aux USA, Binta se voit contrainte d’abandonner ses cours pour des raisons d’ordre familial. A l’époque c’est grâce à ses quelques cours suivis (pourtant insuffisants) qu’elle parvient tout de même à esquisser des coups de crayon et à créer de vraies collections puisque l’entreprise quand à elle continue à tourner malgré les difficultés. De cette époque sombre où elle-même m’avoue avoir souffert à la limite de la grosse déprime, la jeune femme prend sur elle et rebondit assez spectaculairement grâce aux commandes qui n’en finissent plus. Elle n’hésite pas à me confier que ce fut une période où elle perdit de nombreux amis pour la simple raison qu’elle n’avait le temps de voir personne. Trop occupée et focalisée sur la création de BSI, les gens ne comprenaient pas toujours . Cette période lui a enseigné beaucoup de choses, notamment à distinguer les vrais amis. Il s’agit sans aucun doute d’une leçon de vie qu’elle n’oubliera pas si vite.
Aujourd’hui grâce aux revenus de l’entreprise, la jeune femme s’assume et brandit son indépendance, elle s’est réinscrite dans son école de mode qu’elle finance elle-même.N’est-ce pas déjà une réussite en soi ? Mais pour Binta dont les ambitions sont loin d’être taries, ce n’est que le début d’une grande histoire. Elle m’explique être venue aux USA sans connaître ni la langue ni les codes de vie, avec seulement un rêve en tête elle a dû tout reprendre à zéro et bâtir les fondations d’une nouvelle vie. Si par sa détermination elle est y est parvenue, beaucoup de ses compatriotes n’y arrivent pas et sont confus par le changement. Elle souhaiterait aider ceux-là et devenir en quelque sorte un repère. Afin qu’ils se disent que si elle y arrive tout le monde peut le faire. Le succès est à portée de main et de travail . Quand à Binta Sagale Incorporation, elle envisage pour la société une grande destinée. Elle compte l’étendre et engager plus d’employés notamment à Conakry. Pour le moment son équipe se compose de quelques models saisonniers et contractuels, d’une styliste-habilleuse, d’un photographe, d’un caméraman, etc. Son grand appartement qu’elle m’a fait visiter (via webcam) fait de même office d’atelier. Et je peux vous dire qu’en saison de défilés et de créations de collection, c’est plus un arsenal de …désordre qu’autre chose!
Mais ce qu’elle a aujourd’hui (ainsi que ce qu’elle continue à construire) Binta le doit à unemère dévouée pour qui la jeune femme éprouve un profond respect et une grande reconnaissance. Si elle s’est lancée dans la mode, c’est avant tout parce que cette dernière l’y a encouragé et a cru en elle. Voici pourquoi elle souhaiterait à son tour l’honorer par une réussite des plus éblouissantes. Cette entreprise, elle la doit aussi à la première machine à coudre qu’elle s’est achetée avec les moyens du bord. Grâce à elle elle progresse très rapidement enfermée à double tour dans sa chambre, en se servant des quelques cours auxquels elle a assisté avant de quitter son école. Mais c’est surtout le talent qui s’exprime entre ces quatre murs, un talent qui captive lentement mais sûrement des clients devenus aujourd’hui fidèles à la marque BS. L’entreprise s’est donc dotée d’un site (achat du nom de domaine bintasagale.com) sur lequel les clients viennent commander des articles et qui assure aussi le service après-vente.
Pas facilement influençable, de nombreux obstacles ont obstrué son chemin, certains allant jusqu’à la décourager de créer une telle société, mais c’était sans compter son caractère perspicace. Quand à une possible association avec d’autres designers, Binta est catégorique là-dessus, la réponse est non. Elle estime qu’au vu de la masse de travail déjà accomplie, ce serait nettement plus avantageux pour l’associé que pour elle. Ce qui n’est pas vraiment le but recherché. Tout a pratiquement été fait et la jeune femme veut garder une certaine marge d’autonomie dans ses actions et décisions. Ne dit-on pas un seul capitaine dans le navire?
Comment a-t-elle conquis le marché américain (en plus de celui africain qui lui était déjà acquis) ? Binta me répond que c’est grâce à une ingénieuse idée qu’elle a eu : celle de mélanger le style occidental à celui africain tout en utilisant des tissus issus de différents horizons. C’était le petit secret réussite. 😉
En guise de point final à notre entretien, Binta Sagalé m’assure de sa détermination à façonner une marque « Made in Guinea » afin d’asseoir une identité d’abord guinéenne ensuite panafricaine dans l’univers de la mode à travers le monde… Une façon à elle de laisser ses empreintes dans un domaine qui lui tient étonnamment à cœur.
Et on ne peut que lui souhaiter bon vent à notre fashion designer!
Article de Derietou du blog devousamoi.mondoblog.org/