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Fatoumata Kebe, gardienne de l’espace et passeuse de savoir

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Fatoumata Kebe, gardienne de l’espace et passeuse de savoir

“Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles”, écrivait Oscar Wilde. Depuis plus d’une vingtaine d’années, Fatoumata Kebe file, elle-aussi, dans les étoiles, les astres et les constellations. D’origine malienne, cette astronome de 29 ans fait partie des 18 « Space Girls Space Women ». Ces dernières sont mises à l’honneur pour représenter les femmes dans les métiers de l’espace, à travers une exposition organisée à Paris par l’Agence spatiale européenne et l’agence photo Sipa Press.

“L’astronomie, c’est vaste et compliqué. Ça ne se limite pas à l’observation des astres. Aujourd’hui, nous faisons des calculs sur des machines, on étudie des marées. C’est loin d’être seulement de l’abstrait, nous faisons des choses très concrètes, notamment en recherche appliquée”, explique la future doctorante à l’Université Pierre et Marie Curie et à l’Observatoire de Paris.

La passion astrale de Fatoumata commence lorsqu’elle découvre, à l’âge de 8 ans, une encyclopédie sur l’astronomie dans les affaires de son père. La petite est d’emblée émerveillée et fascinée par les étoiles et les constellations qui tapissent l’ouvrage.

Veilleuse du ciel

Pour Fatoumata, il n’est pas question seulement de rêver, mais de s’investir pleinement dans ses songes pour en ressortir un but, un projet de vie. Au cœur de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE), où se déroule sa thèse, elle effectue une multitude de tâches pour préserver le ciel étoilé et protéger notre Planète Bleue. Elle surveille et participe au développement de satellites, part à la chasse aux débris dans l’espace, et réalise également des simulations pour anticiper d’éventuelles catastrophes.“Garder l’espace, cela signifie qu’il faut veiller à ce que des débris notamment générés par les hommes –des morceaux de satellites par exemple– ne viennent pas se heurter à des installations ou pire encore, toucher la Terre.” Cette jeune femme brillante et déterminée veille au grain à limiter “la pollution de l’espace”.

Si aujourd’hui, la penseuse étoilée est une représentante de “l’espace au féminin”, ses débuts n’ont pas été aussi glorieux. C’est avec le temps et les études (un bac scientifique et un master en ingénierie des fluides) que l’ambition s’installe. La concrétisation de l’idée se fait en 2009, lors d’une formation à la Nasa au cours de laquelle elle s’immerge dans l’espace pour ne plus le quitter.

Partager son amour des Ephémérides

Chaque jour, Fatoumata marche dans les pas tracés par le philosophe chinois Confucius: « Trouve un travail que tu aimes et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. » Lorsque les clichés ou des discriminations se glissent sur son chemin, elle ne faiblit pas et garde en tête son objectif, « il est hors de question que je renonce à quelques mois de la remise de ma thèse ». Bien qu’elle évolue dans un environnement très masculin*, la jeune doctorante n’a pas souffert de sexisme contrairement à d’autres de ses collègues. « Dans des conférences, certaines collègues m’ont expliqué avoir vu leur opinion balayée d’un revers de la main », explique-t-elle attristée.

Au-delà des instituts et observatoires, Fatoumata porte sa voix et son expérience dans des établissements scolaires. Il y a un an et demi, elle a fondé son association « Éphémérides » et, depuis, enseigne une à deux fois par semaine à des jeunes collégiens âgés de 12 à 15 ans. « Les jeunes pensaient que mon domaine était très élitiste, je suis venue leur prouver le contraire! » Son objectif est de leur montrer l’étendue de leurs aptitudes, afin « qu’ils comprennent que s’ils sont capables de lire une carte du ciel étoilé, de regarder dans un télescope, et de tout autre chose qu’ils se pensaient incapables de réussir, c’est qu’ils sont capables de grandes choses et de réaliser des projets. C’est une chose que j’aurais souhaitée que l’on fasse pour moi, à mon époque ».

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« Quand je demande à mes élèves s’ils peuvent me citer le nom d’une femme astronaute, ils m’avouent souvent qu’ils n’en connaissent pas… » Mais ce qu’elle regrette également, c’est le pessimisme de la jeunesse qu’elle côtoie et qui n’ose pas rêver jusqu’aux étoiles. « Souvent des jeunes filles me disent qu’elles aimeraient faire la même chose que moi quand elles seront plus grandes… Et quand je leur dis que c’est possible, elles me disent qu’elles n’ont pas les notes pour cela, alors que leurs professeurs me disent qu’elles ont des 17 en mathématiques », raconte t-elle.

Pourquoi ces jeunes filles ne se font-elles pas confiance? Pourquoi au fil de ses années d’études, Fatoumata Kebe voit de plus en plus de femmes quitter le navire, si bien qu’elles ne représentent que 7% de leur promotion à l’arrivée? Ce sont des questions auxquelles la doctorante n’a pas encore toutes les réponses, mais qui l’engagent sur plusieurs pistes de réflexions. « Les jeunes filles d’aujourd’hui ont besoin de modèles auxquels s’identifier et d’exprimer leur potentiel. »

« Il reste des combats à mener… »

Lorsqu’on lui a demandé d’être l’un des visages de l’exposition “Space Girls Space Women”, Fatoumata a trouvé ça « étrange » et « surprenant », mais « génial » de pouvoir représenter la diversité et le travail des femmes dans le milieu spatial. Bien qu’elle fasse un bilan plutôt positif de son parcours, elle reste consciente que tout n’est pas encore gagné au XXIe siècle. « Je suis allée au salon du Bourget cette année, douze ans après ma dernière venue en tant que lycéenne, et j’ai eu la désagréable surprise de rencontrer à l’entrée une femme qui distribuait des pin’s de pilote aux garçons et d’hôtesse de l’air aux filles. C’est navrant ». Mais ça n’ébranle pas son envie de changer le monde, qu’elle avoue devoir « calmer » de temps à autre.

Avec son savoir et sa sensibilité aux questions environnementales, Fatoumata fait bouger les lignes aussi dans d’autres domaines comme l’agriculture. Avec une petite équipe de femmes, au Mali, elle mène le projet « Connected Eco » qui permet aux agriculteurs de connaître l’état de leur sol. Par le biais de capteurs à énergie solaire, le niveau de sécheresse du sol est analysé puis envoyé aux exploitants agricoles par SMS afin qu’ils puissent irriguer convenablement, en temps et en heure leurs champs.

Dans l’Hexagone, elle envisage de donner plus de dimension à « Ephémérides » et souhaiterait développer des partenariats avec des associations tel que « Oriente-moi »ou encore « Zonzon 93« . Elle participe également à des conférences (We Talk, Tedx) et fréquente deux associations de femmes scientifiques, « Femmes et sciences » et « Women in Aerospace », afin de partager son expérience.

Si son avenir n’est pas totalement tracé après l’obtention de sa thèse, la jeune femme souhaite développer une méthode de nettoyage de l’espace et ne compte pas « faire siennes les limitations des autres. »

 

 » Avec près de 125 millions de petits débris spatiaux, l’environnement spatial devient de plus en plus encombré. »

Lauréate du concours mondial des jeunes innovateurs de l’Union Internationale des Télécommunications, Fatoumata Kebe travaille sur une méthode de nettoyage de l’espace. Pour mener à bien les tests de faisabilité de cette méthode, elle recherche des financements. Vous pouvez la contacter à l’adresse mail suivante : contact@stardusts.fr.

Source: Huffington Post