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Interview avec le Ministre du Budget et du Portefeuille de la Côte d’Ivoire

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Interview avec le Ministre du Budget et du Portefeuille de la Côte d’Ivoire

Dans le cadre du Anzisha Forum le 25 Février qui se tiendra sur le campus de l’Ecole Polytechnique, l’équipe X-Afrique s’est entretenue via presse écrite avec Monsieur Abdourahmane Cissé, le Ministre du Budget et du Portefeuille de l’Etat de Côte d’Ivoire.

1. Quelles sont les ressources que l’Etat met à la disposition des entrepreneurs africains pour les soutenir ?

Le rôle premier de l’Etat à l’endroit des investisseurs, notamment les entrepreneurs africains, est de créer un cadre institutionnel adéquat à même de faciliter leurs activités. A cet effet, nous avons procédé à la mise en œuvre de mesures d’encouragement de l’activité économique notamment pour les PME, à qui l’accès aux marchés publics a été rendu plus facile. Un point important à ce niveau est l’introduction d’une marge de préférence pour la soustraitance locale lors des appels d’offres. Il s’agit d’une mesure qui, face à deux (2) propositions de prix par des grandes entreprises lors des appels d’offres, privilégie celle qui consent à soustraiter au moins 30% de la valeur globale de son marché aux PME locales, même si le prix proposé par cette entreprise excède celui de l’autre dans une proportion maximale de 5%. Nous avons également réduit les coûts de création des entreprises et mis en place un guichet unique de formalité des entreprises qui a permis de réduire considérablement le délai moyen de création d’une entreprise en tombant à 24 heures. En outre, d’importantes mesures de réduction d’impôts ont été prises en Côte d’Ivoire au cours de ces dernières années en vue de soutenir le secteur privé, notamment à travers le code des Investissements. Par ailleurs, des mesures spécifiques sont prises dans certains domaines d’activités, en cohérence avec notre stratégie de développement économique, afin d’apporter un appui financier aux entrepreneurs. C’est le cas par exemple du secteur de la transformation locale du coton et de l’anacarde, où l’Etat reverse, sous forme de subvention, à un fonds de développement de la transformation locale de la matière première, une partie de la redevance qu’il a prélevée sur le montant des exportations desdites matières premières.

2. Quels sont d’après vous les secteurs porteurs de développement en Afrique ? Et quels leviers les Etats Africains peuvent-ils actionner ?

Aujourd’hui, l’Afrique doit mettre un accent particulier sur l’industrialisation, en vue de devenir une économie à forte productivité. C’est ce changement structurel qui contribuera effectivement à la lutte contre la pauvreté et au chômage des jeunes. L’Afrique dispose d’importantes ressources naturelles et d’une classe moyenne en plein essor qui représente un marché important de consommation. Le Centre africain des ressources naturelles (CARN) du Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD), dans son rapport intitulé « Projet de stratégie 2015-2020 », indique que l’Afrique est dotée d’importantes ressources naturelles renouvelables et non renouvelables, à même d’impulser le développement humain et économique tout en facilitant l’intégration régionale aux plans des infrastructures, de l’agriculture, de l’énergie, du tourisme et des forêts. Les économies africaines devraient dans cette veine, privilégier l’investissement dans l’élaboration de leurs budgets d’Etat, à l’instar de la Côte d’ivoire où la part accordée aux investissements est passée de 15% en 2010 à environ le tiers (1/3) depuis 2015. Il convient en outre de relever que les Chefs d’Etat et de Gouvernement Africains s’engagent pour le développement industriel à travers une vision claire et une stratégie pour le développement manufacturier axée sur la transformation des produits agricoles. Dans ce cadre, il a été lancé l’Initiative pour le développement de l’agro-business et des agro-industries en Afrique (ID3A) en 2010. En particulier en Côte d’Ivoire, il a été mis en place une stratégie de développement industriel visant à rendre le secteur industriel compétitif et performant à l’instar de celui des pays émergents, l’objectif étant de porter la part du secteur industriel dans le Produit Intérieur Brut (PIB) à 40% en 2020. L’industrialisation de l’Afrique devrait également intégrer pleinement l’innovation technologique, et constitue à mon avis l’épine dorsale du développement de l’Afrique. Un autre aspect à développer est celui du renforcement des capacités des ressources humaines, afin d’assurer une parfaite adéquation entre les compétences existantes et les compétences requises pour l’initiative et la mise en œuvre des réformes, la gestion des outils installés dans le cadre des innovations technologiques, ainsi qu’un processus de réflexion en quête perpétuelle des innovations les plus adaptées à l’environnement concerné.

3. L’Etat Ivoirien a mis en place un système de réforme de finances publiques récemment. Quelle place joue l’innovation technologique au sein de ces réformes ?

Comme vous le relevez, la Côte d’Ivoire est engagée dans un vaste processus de réformes des finances publiques qui vise à améliorer la transparence et l’efficacité de la gestion de ses ressources publiques. L’innovation technologique y joue un rôle prépondérant. En effet, le schéma directeur adopté en octobre 2014 par le Gouvernement comporte 7 axes stratégiques couvrant tous les secteurs de la finance notamment la finance électronique dont l’objectif principal est de doter l’Etat d’un outil performant de gestion de ses ressources par l’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication dans le respect des nouvelles normes édictées par les directives financières de l’UEMOA. Le projet vise à dématérialiser les échanges entre l’Administration des Finances et les citoyens (Personnes Physiques – Personnes morales) et au sein même de l’administration. Au titre de la Direction Générale des Douanes, plusieurs investissements en TIC ont été réalisés, tels que la mise en place de la version 2 du système de dédouanement automatisé des marchandises ( SYDAM) et l’acquisition récente de quatre (04) scanners de pointe à rayon X pour conteneurs afin de sécuriser et accélérer les procédures de dédouanement. Le Gouvernement a également mis en place le Guichet Unique de Commerce Extérieur (GUCE), qui assure notamment la dématérialisation et la réduction des déplacements pour les différents acteurs du commerce extérieur. Au titre de la Direction Générale des Impôts, le processus de remboursement des crédits de TVA a été dématérialisé afin de le rendre plus fluide et de payer lesdits crédits dans des délais réduits. En outre, nous avons lancé récemment un projet dénommé « e-impôt », qui permet aux contribuables de déclarer et de payer leurs impôts en ligne sans avoir besoin de se déplacer. L’Etat a eu besoin de matériel de sécurité de pointe pour la sécurisation des transactions de paiements, la garantie de la confidentialité des échanges d’informations et des transactions financières. Il a également été procédé à l’interconnexion entre la Direction Générale des Douanes et celle des Impôts. Au titre de la Direction Générale du Budget et des Finances, la rénovation du circuit de la dépense est en cours afin de résoudre le problème de l’obsolescence des outils technologiques précédemment mis en place (SIGBUD, SIGFIP et ASTER). Il existe également un Système Intégré de Gestion des Marchés Publics (SIGMAP) permettant de retracer les grandes étapes de la procédure de passation des marchés publics, et permettant d’assurer la régularité des procédures. Enfin, l’Etat a conçu pour les collectivités un outil informatisé de pilotage et de gestion financière des collectivités territoriales. Le SIGESCODE constitue la base applicative susceptible d’enrichissements fonctionnels et est interfacée au SIGFIP pour la gestion des dépenses au sein des collectivités. Ces différentes réformes initiées au titre des finances publiques, pour ne citer que celles-là, sont principalement basées sur les technologies de l’information et de la communication. Cela traduit bel et bien l’importance de l’innovation technologique dans la gestion des finances publiques en Côte d’Ivoire.

4. Cette année, le forum X-Afrique portera sur « L’innovation technologique au service du développement rural ». Comment appréhendez-vous cette problématique ?

Le développement rural constitue une problématique importante à laquelle nombre d’économies, en l’occurrence celles de l’Afrique, essaient de trouver les solutions les plus appropriées. Quant à l’innovation technologique, il n’est point besoin de relever les avantages qu’elle nous offre dans notre société actuelle, notamment le renforcement de l’autonomie des populations rurales et le gain énorme de temps et d’efforts qu’elle permet dans l’accomplissement de nombreuses tâches. L’innovation technologique pourrait alors accompagner de façon efficiente le développement rural, à travers la modernisation de l’agriculture, en particulier la création de chaines de valeur intégrée afin de stimuler les synergies et la diversification, l’utilisation des outils performants d’accès à l’eau potable, et autres secteurs d’amélioration des conditions de vie des populations rurales. Toutefois, des contraintes majeures liées à l’accessibilité des innovations technologiques pourraient s’élever, notamment le coût élevé des investissements initiaux et de renouvellement à moyen terme, l’inadéquation entre les compétences existantes et les compétences requises pour une utilisation efficiente desdits outils, l’entretien des outils combinée à la recherche constante d’innovations, ainsi que l’adhésion des populations qui nécessitera des séances de sensibilisation à toutes les échelles. Je voudrais donc saluer la perspicacité qui a animée les initiateurs du Forum X-Afrique dans le choix de ce thème. Cette édition 2017 du Forum X-Afrique, qui soumet ainsi ce thème à la table des discussions, permettra, j’en suis sûr, de proposer des solutions clés à même d’aider nos économies africaines. En Côte d’Ivoire par exemple, il a été élaboré un Plan National de Développement sur la période 2016-2020 qui intègre de façon spécifique la question du développement rural. C’est donc un plaisir pour nous d’être invité à cet événement qui permettra de partager l’expérience de personnalités et de structures de divers horizons.

5. Auriez-vous Un mot pour ceux qui hésitent à faire le déplacement à Polytechnique pour le forum X-Afrique ?

Le monde entier croit de plus en plus en l’Afrique et s’accorde à dire que l’Afrique est le continent d’avenir. L’Afrique est une destination de plus en plus privilégiée pour les investisseurs, mais l’Afrique ne peut répondre à toutes ces attentes que si elle arrive à mettre en œuvre les meilleures politiques de développement. C’est donc une opportunité qu’offre le Forum X-Afrique afin non seulement de soumettre à discussion et de partager les idées de divers horizons et secteurs, mais également de consolider les recommandations et critiques qui permettront de contribuer au développement de l’Afrique. Je voudrais donc inviter les acteurs du développement en Afrique à bien vouloir apporter une fois de plus leur contribution à la construction d’une Afrique prospère où il fait bon vivre.

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